Il fut un temps où les enseignants se regardaient d’un air entendu à la mention de certains collèges de banlieues strasbourgeoises ou mulhousiennes. On admirait ceux qui y demandaient un poste, on plaignait ceux qui y étaient affectés malgré eux. Et on convoitait tel établissement prestigieux place de Bordeaux ou tel collège tranquille idéalement situé aux portes du Kochersberg.
Ce temps n’est plus. Le SNALC se porte tous les jours aux côtés d’enseignants qui se font insulter, menacer, agresser par des élèves ou leurs parents. Mais l’institution, elle, réagit souvent trop tard. C’est quand le couteau s’est enfoncé que les autorités jurent la main sur le cœur qu’elles « seront au rendez-vous pour assurer la sécurité » des personnels[1].
L’académie de Strasbourg n’est épargnée ni par la violence, ni par l’incurie de l’administration. Pour expliquer le naufrage du collège Kléber, le recteur déclare, la mine résignée, que l’école est « le reflet de la société » et de ses « formes de violence »[2]. Est-ce la société qui gère les postes de CPE, d’AESH, d’AED ?
Ce sont les agents qui font les frais de cette gestion au moins coûtant du rectorat, comme le SNALC l’a constaté au collège de Mundolsheim : les enseignants y subissent des vols, des menaces avec arme, des jets d’objet ; l’une d’eux a été projetée au sol, une autre blessée par un projectile, d’autres ont été roués de coup ; un collègue a dû demander une protection fonctionnelle face aux menaces d’un parent. Oui. À Mundolsheim. Dans un collège « tranquille » aux portes du Kochersberg.
Le 26 janvier, des chauffeurs de bus ont exercé leur droit de retrait sur une ligne où ils subissent des violences de la part d’élèves du collège. Si les enseignants n’ont pas – encore – pris cette décision, jusqu’à quand supporteront-ils cette situation ?
Le SNALC s’interroge : le rectorat va-t-il enfin recruter des AESH, aujourd’hui en nombre insuffisant pour tous les élèves concernés, alors que certains d’entre eux peuvent, sans accompagnement, devenir dangereux ? Va-t-il enfin créer des postes d’AED, au nombre de 3,5 dans un collège qui accueille une ULIS et une SEGPA, et compte 570 élèves, dont beaucoup, faute de surveillance, errent dans les couloirs, parfois munis d’une arme blanche ? Va-t-il, en un mot, tenir enfin compte des alertes et des appels à l’aide que la direction du collège lui adresse en vain depuis plusieurs années ?
Pense-t-on vraiment, rue de la Toussaint, que les enseignants peuvent accomplir normalement leur mission ? Que le statu quo permettra de faire cesser l’évitement scolaire vers le privé – jusqu’à plus de 50 % à Oberhausbergen et Lampertheim ? Qu’on peut attendre que le coup de poing soit remplacé par le coup de couteau ?
Le SNALC, dont les enseignants du collège ont sollicité le soutien, ne se contentera pas de déclarations convenues sur le thème de « l’école sanctuaire ». Le SNALC exige à présent que le rectorat réagisse à la mesure de ces événements gravissimes, sans attendre que les medias fassent leur une sur « un collège si tranquille ».
[1] Élisabeth Borne, 14 octobre 2023, https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/14/a-la-remise-des-prix-samuel-paty-les-professeurs-d-histoire-geographie-entre-tristesse-et-colere-notre-metier-est-tellement-meprise_6194464_3224.html
[2] 7 décembre 2023, https://www.bfmtv.com/alsace/replay-emissions/alsace-politiques/emission-du-jeudi-7-decembre_VN-202312070905.html