Dans le thĂ©Ăątre de l’Ă©ducation nationale, le spectacle est devenu aussi rĂ©gulier quâune sĂ©rie de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ©, mais avec une dose inquiĂ©tante de drame. Les Ă©lĂšves jonglent avec les insultes et les coups, dans un dĂ©chaĂźnement de violence dĂ©bridĂ©e abondamment relayĂ©e par les Ă©crans, la laĂŻcitĂ© est mise Ă mal comme une coquille d’Ćuf dans un jeu de boules, les personnels pataugent dans des conditions de travail de plus en plus dĂ©gradĂ©es, voire dangereuses, le tout dans un dĂ©cor dâĂ©coles et dâĂ©tablissements qui attendent en vain dâĂȘtre modernisĂ©s.
Et pendant ce temps, que se passe-t-il au palais ? En 2014, nous avions dĂ©noncĂ© le train de vie hors sol dâun ancien recteur de notre belle acadĂ©mie. Dix ans aprĂšs, le SNALC fait le constat que les murs du n°6 de la rue de la Toussaint sont encore bien Ă©troits au vu de la taille des Ă©gos quâils abritent.
Entre les boiseries de la salle de cĂ©rĂ©monie du rectorat, oĂč se tiennent les instances paritaires au cours desquelles se dĂ©cident des enjeux comme le budget du systĂšme Ă©ducatif ou le sort des quelque 29 000 personnels de lâacadĂ©mie, le SNALC a assistĂ© Ă une scĂšne digne du festival de Cannes : des Ă©lus dâun syndicat complaisant rĂ©clamant des selfies avec Monsieur le recteur, lâensemble prenant des poses dans un air de bĂ©atitude empruntĂ©e. Oui, mes amis, des selfies pendant que les enseignants tentent dĂ©sespĂ©rĂ©ment de maintenir l’ordre dans des salles de classe bondĂ©es parfois transformĂ©es en arĂšnes, comme si la rĂ©solution de nos problĂšmes Ă©ducatifs pouvait ĂȘtre trouvĂ©e dans un filtre Instagram.
On prend des airs, on se pavane dans un entre-soi courtisan, visiblement plus prĂ©occupĂ© par son image que par l’Ă©tat des lieux du terrain oĂč, nous le constatons au quotidien â et beaucoup dâentre eux gagneraient Ă sây confronter â, le climat scolaire se dĂ©tĂ©riore plus rapidement qu’un glacier en plein dĂ©sert. La violence est devenue aussi banale qu’un cafĂ© matinal oĂč sâest depuis longtemps dissout le respect de l’autoritĂ©. Quâimporte, on verra ça plus tard !… lâheure est Ă la recherche de l’angle flatteur sur les clichĂ©s.
Alors que faire dans ce cirque Ă©ducatif ? Il est grand temps de mettre fin Ă des postures narcissiques pour poser un regard lucide sur les dĂ©fis qui nous attendent et se donner les moyens de les affronter ensemble, de prendre des mesures fermes, des engagements courageux. Dans cette ComĂ©die de l’Ă©ducation, la lumiĂšre ne devrait pas Ă©clairer celui qui se prĂȘte au jeu de la camĂ©ra, mais plutĂŽt tous ceux qui, anonymes, hors plateau, dans lâombre et parfois la poussiĂšre, font de leur mieux pour porter Ă bout de bras un systĂšme qui ne repose plus que sur leur immense professionnalisme. Le SNALC les connaĂźt bien : il les Ă©coute, il les accompagne, il les dĂ©fend, souvent victimes dâincompĂ©tences, parfois mĂȘme de malveillances, dans un cadre qui dysfonctionne, comme le montrent les articles de cette lettre.
Pourtant, ces professeurs, ces agents, titulaires ou contractuels, sont ceux qui mettent tout en Ćuvre, jusquâĂ leur santĂ©, pour transmettre les valeurs et principes de la RĂ©publique, pour que lâĂcole continue dâinstruire et de former des citoyens Ă©clairĂ©s dans un monde libre, et non des dĂ©linquants ou des influenceurs Ă©gocentrĂ©s.
Chacun de nous peut avoir un rĂŽle pour redresser la barre dans ce systĂšme en dĂ©route, pour retrouver des conditions de travail sereines et un climat scolaire apaisĂ©. Mais pour servir cet objectif, nous avons besoin de pilotes expĂ©rimentĂ©s et rĂ©ellement impliquĂ©s au service de cette grande cause quâest lâĂducation. Le temps du boniment et de la monnaie de singe est rĂ©volu : il faut Ă prĂ©sent passer aux actes et se donner les moyens, de vrais moyens.
Le SNALC est un syndicat indépendant et sans compromission : il continuera de dénoncer les impostures, sans langue de bois.
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Edito du SNALCTUALITES du 7 mai 2024