Hommage poétique au quotidien enseignant
Tel un marin embarqué sur une frêle embarcation, l’enseignant navigue à travers un océan d’émotions. Celles de ses élèves, tour à tour contrariés et exaltés, découragés puis enthousiastes — parfois tout cela en l’espace d’une seule leçon sur les fonds marins ou au détour d’une séance de natation. « Ô capitaine, mon capitaine », il est sollicité de toutes parts : parents, hiérarchie, société. L’horizon paraît sans fin, encombré de responsabilités avec lesquelles il faut jongler et de pressions à absorber. Pourtant, sous le poids de la fatigue, du stress et de la lassitude, il tient fermement le gouvernail. Ses propres émotions, il les enfouit pour maintenir le cap, donner l’exemple, rester le pilier inébranlable de son équipage.
Mais les vents contraires ne manquent pas. « À bâbord toute ! », « Non, à tribord ! » : le plan de route change au gré des caprices des vents ou des puissants. Pris au cœur d’exigences contradictoires et d’attentes souvent irréalistes, il se sent parfois comme le capitaine Achab, pourchassant un invincible cachalot blanc. Seul sur sa chaloupe, il affronte le tumulte. Se sent-il bien ? Le malaise l’envahit, tel un mal de mer : un arrière-goût amer en bouche, une envie croissante de tout abandonner. À bout de souffle, il encaisse en silence, conscient qu’un simple repos pourrait lui coûter trois précieux jours de salaire. « Ont-ils seulement un cœur ? », se demande-t-il, submergé par une colère sourde, un ressentiment qui grandit comme une tempête intérieure. Et lorsque cette tension accumulée déborde, il lui semble que même Poséidon s’en agace.
Malgré tout, il s’accroche, résolu à ne laisser personne derrière. Le défi est immense : capter l’attention de ses élèves face aux mille tentations et distractions modernes, tenir bon dans un monde où tout concourt à le détourner de sa mission. Sous le poids des sirènes numériques et du tumulte des exigences sociétales, il transforme l’invisible en visible, l’abstraction en compréhension. Faire naître un « eurêka » dans l’esprit d’un élève est sa victoire. Enseigner Archimède, déchiffrer des cartes ou expliquer les mystères des océans : tout cela n’est qu’un prétexte pour faire aimer les idées et ouvrir des horizons. À l’image de Saint-Exupéry, il ne donne pas seulement des ordres ou des outils : il fait naître le désir de la mer.
Enseigner pour émerveiller, apprendre pour grandir sans limites : telle est sa vocation. À la fin du voyage, il sait qu’il a accompli une mission qui le dépasse, celle de transmettre. Enseigner et apprendre, deux faces d’une même pièce : peut-on envisager l’une sans l’autre ?
Certains, sans doute habitués au confort des croisières, confondent une humble barque avec un paquebot de luxe. Affirmer avec condescendance que la mission de ce capitaine ne se limite qu’à 24 heures par semaine et seulement six mois par an relève d’un mépris flagrant et d’une profonde désinformation. Pourquoi ériger si haut un tel édifice de dédain et de contrevérités ? C’est non seulement injuste, mais profondément blessant.
Résilient, l’enseignant finit par jeter par-dessus bord ces méchancetés et trouve finalement sa force dans la conviction que son travail a un sens, qu’il est un passeur. Comme le disait Voltaire :
« Ce que nous apprenons à l’école nous accompagne toute notre vie. » Il sait que les graines semées germeront bien après que les vents auront balayé les vagues.
Mais cette résilience individuelle, aussi admirable soit-elle, a ses limites. Face aux tempêtes, elle doit s’appuyer sur une résilience collective. Individuellement, nul ne peut mener tous les combats. Alors, qui pourrait jouer ce rôle ?
Le SNALC, en défendant avec conviction tous ses membres, œuvre pour rendre tout son éclat à cette « pièce de monnaie à deux faces » et assume ce devoir collectif.
La tonalité poétique de ce texte est un clin d’œil aux ateliers d’écriture créative organisés par le syndicat et une manière d’honorer l’engagement de la communauté éducative envers ses élèves. Demain, ces enfants et adolescents, deviendront marins ou peut-être, capitaines comme nous.