A peine arrivée au pouvoir, ayant hérité avec fierté de son nouveau portefeuille de ministre de l’Education nationale, Elisabeth Borne a des idées plein la besace et pas des meilleures… Telle une Circé des temps modernes, elle sort de son chapeau, en un tour de main, une nouvelle idée farfelue : raccourcir les congés d’été, dès la rentrée 2026. « Les vacances d’été de 2025 ne changeront pas mais, pour 2026, cela dépendra de l’issue des discussions », a-t-elle confié dans un entretien publié dans « Le Parisien ». Les anciennes générations ont encore connu la rentrée automnale le 15 septembre… à la saison des vendanges. Etaient-ils plus stupides pour autant ? A l’ère du progrès et du numérique, nous allons donc expérimenter la rentrée mi-août…Une idée de génie et une avancée majeure en matière de pédagogie ! A-t-on entendu parler du réchauffement climatique au gouvernement ou est-ce une vue de l’esprit ? Et des cours en matinée, dispensés depuis belle lurette en Allemagne ? Notre ministre de l’Éducation nationale estime en effet que « les coupures trop longues fragilisent les élèves en difficulté. » Gageons que les élèves en difficulté vont travailler d’arrache-pied et mettre les bouchées doubles sous le soleil ardent de l’été indien… avec une ardeur non dissimulée, les professeurs redoubleront d’efforts pour gagner leur pain à la sueur de leur front ! Est-ce cela le progrès ? Une régression incompréhensible ! Au lieu de raccourcir les vacances, ne vaudrait-il pas mieux repenser l’amplitude de la journée d’un élève ? On parle de chrono nutrition, ne pourrait-on pas évoquer la chrono pédagogie ?
A l’heure où la violence gangrène les établissements scolaires, où l’autorité des enseignants est continuellement remise en cause, où l’on entasse les élèves dans des salles exiguës et vétustes, Madame la Ministre nous propose une mesure, qui loin de faire l’unanimité, ne fait que détériorer l’image du métier : les enseignants sont des fainéants, la messe est dite ! Au lieu de s’attaquer aux gros chantiers de l’Education Nationale, on nous propose une mesure à première vue inoffensive, mais qui ne l’oublions pas sera assumée et mise en application par les enseignants. La crise du recrutement s’en trouvera indéniablement accrue. Cela ne motivera pas les troupes à rejoindre les rangs des enseignants, même avec la vocation chevillée au corps et le feu sacré de la pédagogie ! Hormis nos collègues du supérieur qui démarrent habituellement la rentrée en automne, les autres personnels enseignants (premier et second degré) seront tous impactés par cette mesure, si elle entrait en vigueur. Une idée fulgurante traverse l’esprit d’un ministre et les enseignants en font les frais !
Qui peut suggérer une idée pareille ? Seuls ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe et interagi avec des enfants ou des adolescents ! Il est évident que Madame la Ministre incarne à elle seule la bureaucratie pure et dure dans toute sa splendeur et n’a vraisemblablement jamais géré une classe de 30 élèves en plein été, durant la canicule avec des températures en salle avoisinant les 30 degrés, voire davantage. Comment faire travailler des élèves dans de telles conditions ? Avant de lancer des idées à brûle-pourpoint qui laisse plus d’un enseignant pantois, il faudrait au préalable repenser tout le bâti scolaire, en isolant les locaux convenablement ou en climatisant les salles de cours. Et là silence radio…le travail s’avère colossal ! Voilà un chantier pertinent en perspective !
Si encore il avait été question de rogner les congés de la Toussaint, qui fut un temps s’étalaient sur une semaine, les vacances de février ou de printemps, on aurait compris ! L’objectif étant de raccourcir les congés scolaires, qu’on le fasse de manière intelligente et pragmatique avec une once de bon sens ou pas du tout ! Organiser des « stages de réussite » pendant les congés d’été pour les enseignants volontaires, passe encore, mais imposer une contrainte supplémentaire, non !
Gouverner, c’est anticiper ! Assez de tout ce bricolage élaboré dans la précipitation et mis en œuvre dans l’urgence…Chaque ministre souhaite laisser une trace de son passage éphémère. Les enseignants sont fourbus, continuellement sommés d’appliquer les « idées de génie », les directives futiles des uns et des autres, mais ce sont eux qui devront assumer le quotidien et composer avec des entassements de mesurettes, en l’absence de changement structurel. D’autres s’y sont essayé avant elle : Vincent Peillon et Edouard Philippe en 2023 sans succès.
Les idées passeront…
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