Le Snalc de Strasbourg partage ce témoignage poignant d’une infirmière de l’académie de Strasbourg.
« Par cet écrit, je souhaite exprimer mon indignation, mon exaspération et ma colère face à la situation actuelle de la gestion de la crise sanitaire et notamment du contact tracing par les infirmières scolaires. J’apporte mon témoignage d’un vécu quotidien éprouvant. Je souhaite, également, avoir des réponses à toutes mes questions.
Personnellement, les vœux et  les merci pour votre travail, votre engagement, votre dévouement…etc…etc…de Mme la Rectrice, de Mr le DASEN, je n’en ai que faire ; les merci….non merci !!! Alors qu’il n’y a aucune reconnaissance, ni même connaissance de notre métier et de nos missions, il n’y a que du mépris de la part de toutes ces personnes, de même que du ministre de l’Education Nationale, du ministre de la Santé, du premier ministre, notamment.
Une question car il y a des bruits qui courent et comme il n’y a jamais de fumée sans feu : où sont nos primes covid ? Dans quelles poches sont-elles tombées ? Je ne parle bien évidemment pas de celle qui nous a été versée en décembre car elle n’a rien à voir avec le covid.
Autre question : pourquoi, dans certaines académies, des cellules dédiées uniquement à la gestion des contact tracing ont été mises en place et pas dans l’académie de Strasbourg ?
Cette nouvelle mission, le contact tracing qui nous (les infirmières scolaires) est dévolue depuis plus de 1 an ne devient plus gérable. Alors, vous allez dire oui mais depuis le 7 janvier, les infirmières scolaires n’ont plus à remplir le fichier FT19Bis. Tout cela a-t-il encore du sens ?
Sauf que jusqu’à présent, c’était le cas, et pour ce qui me concerne je devais gérer seule la gestion des situations et notamment remplir dans sa totalité le fichier FT19BIS. A-t-on si peu de connaissance et de reconnaissance de ma fonction d’infirmière, de mes missions en milieu scolaire que j’en sois limitée à faire du travail administratif ?
Je suis infirmière diplômée d’état avec bac +3, comme les infirmières hospitalières, j’ai passé un concours pour rentrer dans l’Education Nationale. Je suis une soignante au même titre que les hospitalières, le Soin dans sa définition littérale ne se limite pas aux soins techniques (pansements, prise de sang…) c’est aussi les soins relationnels (l’écoute, l’accompagnement…). J’ai des missions précises à remplir (assurer les soins et les urgences, accompagner les élèves en souffrance et ils sont de plus en plus nombreux actuellement et notamment depuis le début de la crise sanitaire, ainsi que leurs familles, et bien d’autres encore) et actuellement je suis réduite à remplir des fiches de signalements et des fichiers de données administratives pendant 9 à 11heures, voire même 12 heures par jour. Je n’ose même pas penser ce qui arrivera si un évènement survient et que j’évalue mal la gravité et n’intervient pas à temps ou correctement car trop stressée, trop fatiguée, pas assez attentive. De plus, je travaille dans un établissement, un lycée de près de 1200 élèves sans médecin scolaire et sans assistante sociale et mon poste n’est pas à 100% sur cet établissement alors qu’un poste à temps plein sur ce seul établissement est amplement justifié et depuis de nombreuses années.
Je suis insatisfaite et même frustrée de pas pouvoir assurer correctement mes missions auprès des jeunes en demande, de leur famille et même de la communauté éducative dans son ensemble.
De plus, cette situation chronophage, anxiogène a un impact sur ma vie personnelle (sur mon alimentation : je mange en 10 minutes devant mon ordinateur, je ne m’accorde même pas un vrai temps de pause pour ne pas prendre du retard ; sur mon sommeil lié au stress de la situation ; il m’est arrivée à plusieurs reprises d’annuler, en dernière minute, des rendez-vous personnels à cause de la gestion du contact tracing non terminée au moment de m’absenter ; parfois je n’arrive même pas à prendre le temps d’aller aux toilettes pendant plusieurs heures car il faut gérer les cas contact qui sont en cours au moment où débute une procédure de contact tracing). Elle a également un impact sur ma vie de famille au sens large car en plus je suis maman solo avec un travail à 100% (enfant, devoirs scolaires, préparer les repas, faire les courses, faire les lessives, faire le ménage…). Entre septembre et décembre, j’ai accumulé 43h20 d’heures supplémentaires et la première semaine de janvier, encore quelques heures se sont rajoutées.
Des exemples, parmi tant d’autres :
Le mercredi 5 janvier, je suis arrivée dans mon bureau à 7h pour pouvoir finir les contacts tracing de la veille et j’ai travaillé jusqu’à 16h20 alors que normalement je ne travaille pas le mercredi après-midi (et ce n’est pas la première fois que je suis obligée de rester au travail le mercredi après-midi).
Le jeudi 6 janvier, en début de matinée, il était impossible de se connecter à ARENA pour avoir les fiches de renseignements des élèves afin de compléter les fichiers FT19BIS donc j’ai pris du retard et au final je suis sortie de mon bureau à 18 heures, pour rentrer m’occuper de mon enfant et j’ai encore poursuivi pendant 1 heure, à mon domicile, à finir de remplir un fichier FT19BIS avec une trentaine de cas contact car dans la journée j’avais déjà gérer une douzaine de situations.
Un dimanche, avant les vacances, j’ai dû commencer une procédure de contact tracing en contactant les élèves avec mon téléphone portable personnel.
Je ne parle même pas du fait que certains parents se montrent très désagréables au téléphone quand je demande à joindre leur enfant pour faire la fiche signalement et rechercher les cas contacts, parfois il faut les appeler à plusieurs reprises, ou bien quand il s’agit de venir chercher leur enfant pour aller faire un test de dépistage.
J’ai la chance d’avoir une aide importante de la part des assistantes d’éducation à la vie scolaire, surtout cette semaine du 3 au 7 janvier. Cependant pendant qu’elles gèrent les situations de covid positif et recherche les cas contact, elles n’arrivent plus à assurer leur propre travail (notamment gestion des absences….). Elles, aussi, sont malmenées de toute part avec encore moins de reconnaissance et de plus pour un travail précaire.
Elles n’ont, même, pas accès à des masques de type II ou FFP2 alors qu’elles sont au contact proche des élèves sans masque au restaurant scolaire.
Je tiens aussi à préciser que j’assure plusieurs fois par jour et en fin de journée, également, la désinfection des surfaces (bureau, clavier, plan de travail, poignées de portes et fenêtres, chaises, fauteuils et autre matériel…).
L’épuisement physique et moral est tel que même les vacances ne permettent pas de se ressourcer, et cette semaine du 3 au 7 janvier a été tellement chargée, difficile, qu’elle n’a fait qu’amplifier l’épuisement. Il est inadmissible de travailler dans de telles conditions sans être entendues et respectées et récompensées, mais pas par des paroles.
Je n’ose même pas parler de l’obligation de se faire vacciner comme si nous étions des pestiférées et les premiers vecteurs de cette maladie alors qu’au début de la crise nous avons été, très certainement en contact avec des malades du covid sans le savoir et sans aucune protection, et qu’au retour du premier confinement il ne nous a été attribué seulement 5 masques FFP2 et depuis plus rien. Et que dire du harcèlement, des menaces subies par certaines infirmières scolaires qui ne voulaient pas se faire vacciner. Et aussi que dire de l’obligation de fournir son pass vaccinal sous peine d’être mise à pied sans rémunération.
Pourquoi l’obligation vaccinale se limite-t-elle aux infirmières, médecins et psychologues de l’Education Nationale? Sommes-nous les seuls plus à risque ?
Pourquoi, au vu de la situation actuelle, n’y-t-il pas obligation de porter le masque en extérieur dans l’enceinte des établissements et dans un périmètre de 50 mètres autours sans passer en niveau 3, et ceci également pour limiter les contaminations ?
Une dernière question : les infirmières scolaires sont-elles, seulement, de braves petits soldats qui doivent répondre aux exigences hiérarchiques et bureaucratiques ou bien sont-elles des professionnelles reconnues en tant que telles avec toutes leurs compétences, leur expérience et leur expertise et ainsi écoutées en tant que personnes sur le terrain ? ».
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