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iStock - Martin Barraud
© iStock - Martin Barraud

Edito du SNALCTUALITES du 29 mars 2020

 Par Jean-Pierre GAVRILOVIĆ
Président du SNALC de l’académie de Strasbourg

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« Dès lundi et jusqu’à nouvel ordre, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités seront fermés […]. C’est à votre responsabilité que j’en appelle, et j’invite tous les Français à limiter leurs déplacements au strict nécessaire. » Emmanuel Macron, président de la République, dans l’adresse aux Français, 12 mars 2020.

12 mars : la situation est critique. À l’Élysée, on vient de prendre conscience que ce qui n’était qu’une grippe un peu coriace va décimer dans les prochains jours des dizaines de milliers de citoyens si rien n’est fait pour enrayer cette propagation.

Malgré la douceur du printemps, les Français le pressentent même si certains rechignent à l’accepter, de l’aveu même de la Première dame étonnée de partager sa balade en bord de Seine avec tant de parisiens décidément inconséquents.

Cependant, ici en Alsace, où le virus s’est déjà déclaré dans plusieurs foyers et propagé à une vitesse foudroyante, les mots du président de la République sont entendus avec gravité.

Le SNALC a immédiatement pris la mesure du bouleversement qui se prépare. Les témoignages de détresse de nos soignants dans les hôpitaux de la région, qui a déjà fermé ses écoles depuis une semaine, justifient largement une décision dont on peut aujourd’hui regretter qu’elle n’ait pas été prise plus tôt à l’échelle nationale.

Et pourtant, sur notre planète déjà en incubation, il est un microcosme au fonctionnement propre, une sorte d’îlot sous cloche, coupé de tout – et surtout du réel. Cette terre d’irréductibles, c’est l’Éducation nationale : forteresse confinée dans un univers chimérique, dont la logique impénétrable accouche de consignes absurdes et absolument contraires à celles qui viennent d’être édictées par le chef de la nation.

Au lendemain de l’annonce du président de la République, le ministre de l’Éducation réunit les représentants des personnels rue de Grenelle. Le discours est pour le moins surprenant. Il y est question surtout de continuité, d’innovation, de nouvelles méthodes de travail : celui des personnels avant tout, qui pourraient avoir mal interprété le sens de la fermeture des écoles et des établissements.

Effaré, le SNALC rappelle l’urgence sanitaire et réclame des réponses claires, des consignes écrites à l’égard des personnels. Le cabinet finira par concéder oralement que ne viennent « que les personnels nécessaires à la continuité administrative de l’établissement : équipe de direction réduite, adjoint gestionnaire », « pour partie présentes, pour partie joignables afin de renseigner les familles ».

Armé de cette seule mais précieuse déclaration, le SNALC alerte aussitôt tous les personnels : il exige qu’on respecte leur sécurité, il leur enjoint de refuser les réunions qu’il qualifie de dangereuses et irresponsables, et réclame une communication institutionnelle précise dans ce sens à destination des agents.

Au lieu de cela, Jean-Michel Blanquer s’en remet aux recteurs pour prendre à sa place les décisions qui leur semblent opportunes selon les situations académiques, autorités qui elles-mêmes renvoient souvent à l’échelon local, où l’arbitrage repose inévitablement sur de l’arbitraire.

C’est ainsi que l’on assiste à toutes sortes d’injonctions, diverses d’une académie à l’autre, contradictoires dans une même rue d’un établissement à l’autre. Presque partout on voit s’imposer, et parfois avec zèle, menaces et intimidations, l’ordre de se rassembler massivement pour des réunions censées mettre en œuvre les modalités de la continuité pédagogique et administrative, des réunions inédites entassant le plus possible d’agents tous corps confondus dans des réfectoires fermés et bondés.

Dans l’académie de Strasbourg déjà largement contaminée, la rectrice Elisabeth Laporte a bien compris la dangerosité de ce type de comportement. Son message aux personnels est un modèle du genre dont le ministre aurait pu s’inspirer. Il n’en est pas de même ailleurs sur le territoire, et nous avons ici une pensée pour les personnels de l’académie de Montpellier désormais sous l’autorité de Chancelière Béjean – ex rectrice de notre académie dont nous ne regretterons ni l’autorité ni la défiance à l’égard des agents : « Les établissements scolaires, les services déconcentrés, rectorat et DSDEN, resteront ouverts pour assurer cette continuité, sur le plan administratif et pédagogique. Chaque personnel est appelé à rejoindre son école, son établissement, son service lundi 16 mars afin de contribuer à la mise en place de cette continuité administrative et pédagogique. »

Le mammouth est décidément gravement atteint, en plein délire.

Faisant fi de toutes les préconisations des autorités sanitaires, le ministre confirmera même au cours d’une conférence de presse, la tenue de réunions pédagogiques et la présence d’au moins la moitié des agents sur leur lieu de travail. Et peu importe que l’on déplace ainsi un demi-million de personnes dans les transports en commun.

Effaré par les propos entendus de nos autorités de tutelle, si invraisemblables qu’ils frôlent la désinvolture, révolté par les messages reçus de nos adhérents, le SNALC communique alors à nouveau et appelle à la désobéissance. Il assure qu’il n’y aura pas de sanction et défendra les personnels qui se verraient privés de journées de salaire en refusant de se déplacer.

Nous recevons alors des centaines de messages de soutien et de remerciements, des messages cependant alarmés et indignés, auxquels tout le week-end nous adressons la même réponse : « Sauf si vous êtes un agent INDISPENSABLE au fonctionnement administratif minimal de l’école ou de l’établissement ou convoqué pour assurer l’accueil des enfants des personnels soignants, restez à votre domicile et ne sortez qu’en cas de stricte nécessité (une réunion n’est pas une stricte nécessité). »

Notre appel sera conforté trois heures après par le discours du Premier ministre, disqualifiant ainsi la position insensée de notre ministère de tutelle et, par ricochet, de tous les caporaux enhardis par le poids de la responsabilité inopinément échue sur leur circonscription. Il faudra attendre les dernières heures de ce dimanche soir pour recevoir une lettre du ministre adressée aux recteurs, mentionnant enfin les consignes réclamées : peu avant 20h, l’Éducation nationale semble prendre conscience que le virus, à l’instar du nuage de Tchernobyl, se moque des frontières, y compris de celles qui jusque là confinaient son royaume hors du temps et des réalités.

Nous insistons : la priorité́, ce n’est pas la « continuité́ pédagogique », mais la limitation du développement de cette pandémie, et du nombre de morts.

Nombre d’entre nous sommes aujourd’hui séparés de nos proches, qu’il s’agisse de membres de notre famille, d’amis, de collègues ou d’élèves… cette séparation est parfois douloureuse.

À ce jour, les agents sont quasiment tous en télétravail, avec une conscience professionnelle et un dévouement qui désavouent toutes les attitudes de défiance à leur égard. Ils en font même trop, entend-on, çà et là. Quelques-uns, dont nous saluons en particulier le courage, assurent la continuité administrative ou l’accueil des enfants des soignants.
Le SNALC continuera de vous informer de toutes les mesures pratiques, au moyen d’annonces régulières sur notre site académique ou national et, si nécessaire, par messagerie électronique. Je tiens ici à remercier notre secrétaire académique qui tient un journal sur l’évolution de la situation dans la rubrique « actualités coronavirus » et donne quelques conseils inspirés de l’OMS pour aborder cette période au mieux, préserver sa santé et ne pas s’éreinter à la tâche.

Je sais que vous tous, personnels de l’Education nationale, allez continuer de vous acquitter de votre tâche du mieux possible dans les circonstances actuelles, avec la conscience professionnelle dont vous avez toujours fait preuve. Mais je vous encourage à rester prudents. Pour l’heure, notre priorité absolue est de respecter les consignes en vigueur dans notre région afin de pouvoir survivre à cette pandémie du mieux possible.

Mes pensées vous accompagnent en cette période difficile. Je vous adresse à tous, à vous-mêmes et à vos proches, mes vœux de bonne santé.

Edito du SNALCTUALITES n°17 – mars 2020

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