Monsieur le Recteur,
Nous exprimons aujourd’hui notre préoccupation face à une série de problèmes qui touchent directement nos collègues, ainsi que l’ensemble du système éducatif de notre académie.
Trente ans après l’affaire de l’université de Jussieu, il était temps que le rectorat de Strasbourg commence à se mobiliser autour de la question de l’amiante, même par le biais de formations théoriques sans impact réel sur le quotidien des personnels et des élèves. Ces sessions, largement constituées de diaporamas, abordent par le discours des thèmes tels que la médecine du travail et le désamiantage, mais l’action tarde à venir. Pourtant, le risque est avéré, et chaque jour nos collègues continuent d’y être exposés, sans aucun contrôle de leur santé, sans médecine du travail. Le SNALC insiste sur l’urgence d’une réelle politique de prévention et de traitement des infrastructures scolaires, intégrant un désamiantage prioritaire et efficace des bâtiments à risque.
Lors d’une audience bilatérale le 26 mai 2025, Monsieur le DASEN du Bas-Rhin a exprimé son souhait de lancer un grand chantier sur la santé. Cette problématique devrait être prise en compte à cette occasion. Mais nous sommes inquiets : quand on parle de santé dans l’Éducation nationale, nous partons d’une situation extrêmement dégradée. La crise de recrutement des médecins de prévention en est l’une des illustrations. Il est pourtant impératif que des équipes médicales pluridisciplinaires soient formées au risque amiante, comme l’anticipe le futur plan ministériel.
La question de l’attractivité des métiers de la filière médico-sociale doit être corrélée à cette réflexion, surtout dans un contexte où ne cessent de croître les risques psycho-sociaux et où la santé mentale des élèves devient préoccupante. Dans notre académie, le nombre de professionnels de ces filières est en baisse, leur âge moyen augmente et le recrutement est très insuffisant. Cela nous amène à un triste constat : le ministère des Armées compte aujourd’hui plus de vétérinaires pour soigner les bêtes, que l’EN ne dispose de médecins pour suivre la santé des agents[1]. La précarité de ces métiers, le manque de valorisation professionnelle, la rémunération insuffisante s’ajoutent à des conditions de travail dégradées par manque de moyens. Pour répondre réellement aux besoins et défis liés à la santé mentale dans notre système éducatif, des mesures fortes sont indispensables, et commencent par la revalorisation de ces métiers afin de les rendre attractifs.
Quant à la revalorisation des enseignants, le SNALC rappelle qu’il n’était pas favorable à la mise en place du pacte et réclamait un rattrapage salarial pour tous sans contrepartie. Les craintes que nous avons exprimées étaient justifiées : le pilotage initial a laissé croire aux équipes en établissement qu’elles recevraient une reconnaissance pour les projets et actions qu’elles soutiennent depuis longtemps. Or, le cadrage a détourné les moyens presque exclusivement vers les remplacements. Après avoir encouragé les personnels, cette démarche risque de les inciter à abandonner leurs initiatives passées. De plus, la mission de remplacement exige un engagement d’au moins 9 heures, ce qui freine considérablement sa mise en œuvre. Le manque de confiance envers les équipes de direction pour la recherche de remplaçants ponctuels est contre-productif, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, compromettant la cohérence pédagogique. Le contrôle strict et infantilisant exercé sur les directions d’établissement est inacceptable. De plus, un courrier émanant du secrétariat général indique que les heures engagées cette année pourraient être réalisées l’année prochaine : cette méthode remet en question la règle du « service fait », déjà ébranlée par le paiement anticipé d’heures non effectuées.
À propos de méthode, nous souhaitons attirer votre attention sur une dérive préoccupante observée dans le déroulement de certaines audiences avec vos services, et en particulier la DSDEN 67. Le SNALC relève, depuis quelque temps, une opacité et un procédé inadmissible dans ces rencontres. Ainsi, l’objet d’une convocation n’est jamais clairement précisé. L’utilisation de la formule vague « entretien professionnel » empêche l’agent de comprendre les motifs de sa convocation et le prive ainsi de la possibilité de préparer son audience en connaissance de cause. Ces audiences prennent régulièrement la forme de rapports à charge, reposant sur des accusations souvent infondées et dépourvues de preuves tangibles. Quelques exemples illustrent ces dérives, qui pour certains vous ont été transmis. Nous reviendrons ici sur trois d’entre eux.
Lorsqu’une chef d’établissement, recevant une « invitation à une rencontre » dans laquelle il est prévu d’évoquer sa « posture professionnelle », se retrouve en séance accusée par M. le DASEN d’appartenir à, je cite, « une secte d’extrême droite », le SNALC attend, au minimum, des preuves solides, des sources à l’appui de ces graves accusations. Sinon, vous en conviendrez, c’est de la diffamation. Or, en termes de preuves, il nous a été répondu d’aller chercher nous-mêmes « sur internet » (où nous n’avons rien trouvé, précisons-le). Alors, oui, ces méthodes ont été dénoncées par le SNALC. Mais par un tour extraordinaire, voici l’accusateur devenu accusé et victime, bénéficiant même promptement de la protection fonctionnelle. Le monde à l’envers. Comme le SNALC aurait apprécié la même célérité pour protéger notre collègue des accusations dont elle fut réellement victime et, d’une façon générale, pour protéger tous les agents victimes, menacés ou calomniés, insultés ou bousculés, quel que soit leur rang ou leur proximité avec l’autorité.
Dans une autre situation, également préoccupante, l’administration prend des mesures drastiques à l’encontre d’un chef d’établissement respecté. Ce dernier a été sommairement invité à quitter son poste dès la rentrée prochaine, sans que des raisons explicites ne lui soient données. Les termes employés dans les différents courriers – « entretien », « mission », « audit », et « expertise » – laissent planer un flou qui nuit à la transparence des procédures engagées. En outre, le fait de refuser à notre collègue un accompagnement, alors que Monsieur le DASEN se fait accompagner de plusieurs personnes, contribue à un sentiment d’opacité. Ajoutez à cela un doute sur l’équité, sachant que l’affaire semble liée à l’action d’un personnel conjoint d’un IEN de l’académie, et la messe est dite.
Un autre cas plus récent concerne une infirmière convoquée cette fois avec le motif : « pour affaire vous concernant »… Cette collègue, qui n’a pas encore été reçue, n’a aucune idée de ce à quoi elle doit s’attendre. Cela n’est pas acceptable.
Le SNALC s’arrête ici dans la liste des exemples mais, vous l’avez compris, nous en avons hélas beaucoup d’autres sur le seul service de la DSDEN 67.
Le SNALC exige des éclaircissements sur les motifs de convocations ou de mise à l’écart, et des preuves lorsqu’il s’agit d’accusations graves. On ne va pas rejouer l’affaire Calas, ni rédiger un nouveau traité sur la Tolérance… mais rappelons simplement que l’on ne peut accuser sans preuve, ni condamner sur ouï-dire.
Monsieur le recteur, on ne peut être attaché au « dialogue social » et, dans le même temps, priver les collègues d’un accompagnement. On ne peut pas se prévaloir de transparence et d’équité, sans informer les collègues du motif de leur convocation et leur laisser une chance de préparer leur défense. On ne peut pas enfin se féliciter d’une politique RH bienveillante, ou de proximité, et attirer les collègues vers des entretiens et assignations vécus comme des traquenards dont ils ressortent bouleversés.
Monsieur le Recteur, le SNALC est déterminé, et défendra par tous les moyens l’intérêt des personnels qu’il représente et donc, plus largement, de nos institutions, avec franchise, loyauté et exigence.
[1] « 74 officiers pour 2800 chiens, 1400 chevaux et quelques faucons » vs « 77 médecins du travail (63 ETP) pour 15600 personnels »
https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/sante/plaquette-veterinaire-des-armees.pdf
https://www.aefinfo.fr/depeche/700613-education-nationale-le-nombre-de-medecins-du-travail-augmente-mais-reste-tres-faible