Depuis la rentrée, le SNALC se déplace dans les écoles pour aller à la rencontre des collègues PE.
Lors de ces visites, le SNALC relève des situations alarmantes et déplore des conditions de travail difficiles dans certaines écoles de l’Eurométropole.
Des conditions et un environnement de travail désastreux
Des écoles et classes en surcharge
Au cours de nos passages, le SNALC constate que de nombreuses écoles et classes sont surchargées, notamment dans des écoles maternelles où les effectifs atteignent jusqu’à 33 élèves ! Malgré le soutien des IEN et des parents d’élèves, les problématiques restent sans réponse. La rentrée a été difficile pour ces collègues qui font part de leurs inquiétudes : comment différencier et individualiser les enseignements avec un effectif si important ? Comment offrir un cadre de vie de classe agréable aux enfants dans ces conditions?
Tandis que certaines écoles sont flambant-neuves, financées par des fonds privés dans des éco-quartiers en construction, d’autres sont dans un état déplorable, à la limite de l’explosion. Les écoles les moins bien loties sont bondées, en manque cruel d’espace ; d’autres ne disposent même plus de salle des maîtres. Nos collègues sont ainsi privés d’un espace collectif partagé pour se réunir ou simplement pour déjeuner durant la pause méridienne.
Depuis la mise en œuvre de la politique de dédoublement des classes, les écoles n’ont plus la capacité de toutes les accueillir au sein même de leurs murs. Certaines collectivités se contentent alors de mettre à disposition des bâtiments préfabriqués posés dans les cours d’école, rognant ainsi sur l’espace récréatif des enfants et cantonnant des collègues dans des lieux d’enseignement très peu attrayants, voire démotivants.
Le plus scandaleux est qu’on nous rapporte que la collectivité strasbourgeoise n’a pas encore envisagé de plan d’agrandissement des écoles dans ces quartiers déjà très denses en population.
Comment travailler dans de telles conditions et un tel environnement ?
N’oublions pas que de nombreux travaux de recherche ont prouvé que l’architecture scolaire a un impact fort, à la fois sur la motivation et sur la réussite scolaire.
La nouvelle municipalité strasbourgeoise se prévaut d’avoir végétalisé certaines cours de récréation. La médiatisation de cette action était de mise à la rentrée. Si on peut reconnaître la beauté des lieux réaménagés, les collègues concernés nous ont toutefois fait part de l’impossibilité d’accéder à ces espaces végétalisés, interdits aux élèves depuis le mois de septembre en raison de la boue et des saletés produites. La surface de ces cours est donc réduite de moitié. C’est beau mais ce n’est pas pratique ! Le budget alloué à ces travaux par la municipalité aurait très probablement pu être utilisé d’une façon plus judicieuse…
Le SNALC dénonce également des problèmes liés à des projets d’aménagement d’écoles impactant les conditions de santé, de sécurité et de travail des collègues. En effet, il est constaté que certains travaux sont réalisés sur le temps scolaire, nuisant fortement au bien-être des enfants et des personnels. Tel est, et a été, le cas dans certaines écoles de l’Eurométropole, notamment dans le secteur du Neuhof, actuellement en plein travaux de rénovation.
Ces vastes chantiers, certes ambitieux et nécessaires, entrepris en pleine journée de classe, provoquent d’importantes pollutions sonores et olfactives (abattement de cloisons, mise en peinture…) et suscitent, à juste titre, la colère des équipes éducatives. Outre leur inquiétude par rapport aux risques et dangers auxquels sont exposés les enfants (utilisation de solvants etc.), certains collègues PE ont littéralement “pété les plombs”. Les nuisances subies étaient si importantes qu’elles ont rendu impossibles les enseignements. Malgré les alertes adressées à la Ville, le directeur d’une école maternelle nous a confié avoir dû faire intervenir le CSE (Comité Social et Economique) pour que les travaux soient réorganisés de façon à permettre aux enseignants d’exercer leur métier dans des conditions décentes.
Les collègues directeurs sont complètement désemparés, ils ont le sentiment de ne pas être entendus par la Ville et nous disent rencontrer quotidiennement de gros problèmes de communication avec les services municipaux.
Inclusion à l’école : un manque probant de moyens humains
Le SNALC dénonce un système défaillant qui n’arrive pas à répondre aux besoins du terrain en termes d’inclusion. Les enjeux liés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap est majeur. Or, les directeurs nous rapportent que malgré les signalements dans les circonscriptions et les actions de la MDPH, un nombre important d’élèves attend toujours un accompagnement depuis la rentrée. La campagne nationale de recrutement peine et les AESH ne sont pas assez nombreux. Une seule raison à cela : leurs conditions d’emploi sont indignes ! Malgré une soi-disant revalorisation au cours de cette année, les salaires des personnels accompagnants restent à un niveau en dessous du SMIC lorsqu’ils sont rémunérés sur la base du premier échelon. Pour gagner un vrai salaire et obtenir un vrai statut, des appels à la grève ont été lancés dès la rentrée. Malheureusement certains de nos adhérents AESH nous ont confié ne pas pouvoir suivre les mouvements de grève en raison de leur situation financière trop précaire.
En attendant, les collègues PE tentent de prendre en charge ces enfants aux besoins particuliers, leur apportent toute l’attention nécessaire, tout en se consacrant, en parallèle, à leur enseignement. Certains d’entre eux nous disent être déjà épuisés en raison de l’énorme investissement que cela représente.
Les classes ULIS
Sur le terrain, le SNALC recueille les témoignages des collègues des classes ULIS qui rencontrent de grandes difficultés. Désormais devenus Coordonnateurs au lieu de PE spécialisés, ils sont considérés comme des personnes ressources pour toute l’école. Cette responsabilité leur pèse, car des ressources, ils en ont peu.
Le SNALC dénonce le manque de complémentarité avec l’offre médico-sociale et les établissements adaptés. De nombreux élèves attendant des places sont placés en classes ULIS.
La constitution des groupes d’élèves ne remplit pas toujours les directives de la circulaire de 2015 visant une compatibilité entre les besoins et les objectifs d’apprentissage des élèves, “condition nécessaire à une véritable dynamique pédagogique”.
Ainsi certaines classes ULIS comportent des élèves présentant des troubles tels qu’un autisme profond, une extrême violence… Les collègues, peu soutenus par les IEN, se “débrouillent comme ils peuvent”. Bien souvent ils se tournent vers les associations et foyers de quartier pour trouver des solutions d’accueil pour ces enfants nécessitant des prises en charge spécifiques.
Notons également que certains PE, parfois même des T1, sont nommés sur des postes ULIS sans avoir suivi préalablement la formation CAPA-SH ou 2CA-SH ! Le SNALC dénonce vivement cette pratique : travailler en ULIS doit être un choix de carrière !
De plus en plus de contractuels sur le terrain…
Le SNALC relève de fortes inquiétudes des collègues concernant le recrutement des contractuels pour occuper des postes. Certains sont nommés sur des postes à profil de type classes dédoublées. Cela pose question ! Ne faut-il pas privilégier des titulaires pour la prise en charge de ces classes dont les enjeux sont cruciaux? Il serait sans doute plus pertinent d’envisager l’affectation des contractuels sur des postes de remplacement plutôt que sur des postes à l’année.
Par ailleurs, les directeurs sont parfois surpris par le parcours universitaire de certains contractuels dont le niveau d’études s’arrête à la licence. L’arrivée d’un collègue contractuel dans l’école constitue une charge de travail supplémentaire pour les PE titulaires qui lui apportent leur soutien allant parfois jusqu’à l’accompagner dans la préparation des travaux hebdomadaires, en particulier lorsqu’il s’agit d’une première affectation. Faire exercer ce métier par des personnes n’ayant bénéficié d’aucune formation est inadmissible et inadapté pour l’atteinte des objectifs de qualité attendus par notre ministère de tutelle.
En outre, certains agents contractuels partagent avec nous des problèmes liés à la violence, au comportement de certains élèves. Il leur est certes possible de solliciter de l’aide de la part des conseillers pédagogiques de leur circonscription.
La gestion d’une classe constitue une difficulté importante dans l’exercice de leurs missions. Ces personnels nous paraissent être en souffrance.
Un dernier point attire l’attention du SNALC : les contrats de ces personnels sont limités à 24h, excluant le suivi des élèves en APC, les horaires des réunions et des formations, la préparation des cours, les accueils, si tant est que le collègue applique stricto sensu son droit, mettant l’équipe pédagogique de ce fait en difficulté. Ces collègues ne peuvent également pas prendre en charge des classes devant suivre un enseignement natation, contraignant par conséquent l’équipe à un échange de service dans la durée.
Le ras le bol des directeurs, une rentrée extrêmement difficile
Lors de nos passages, nous observons des directeurs d’établissement sur-sollicités par toutes les charges qui leur incombent. A ce stade de l’année scolaire, ils sont déjà éreintés. Ils évoquent une rentrée « extrêmement difficile » voire violente. La plupart d’entre eux ne bénéficie pas d’une aide administrative. Ils doivent notamment faire face aux nombreuses absences de leurs collègues, non remplacés, le ZIL étant devenu une espèce en voie de disparition. Ils doivent aussi parer à l’absence d’un concierge non remplacé, ils doivent en fait pallier tous les problèmes de plus en plus nombreux qui se présentent. On attend d’eux qu’ils soient au four et au moulin !
Certains sont confrontés à des tensions extrêmes notamment après avoir subi des menaces de mort…Ils sont aux carrefours de toutes les communications sans aucune considération.
Ils se sentent sous tension, littéralement « fliqués », tel que nous le décrit un directeur d’école au bord de l’épuisement.
Depuis la circulaire de rentrée, les directeurs, consternés, sont soumis à des discours lénifiants d’un système culpabilisant.
Les injonctions sont de plus en plus nombreuses. Les directeurs sont écrasés par leur charge de travail quotidienne, les remontées imposées et jugées indécentes qu’ils doivent effectuer auprès des IEN. « Il s’agit de tout faire remonter », or cela leur semble impossible, « cela mettrait des heures à lire et à être traité par l’Inspection ». Respectueux de l’institution, ils veillent à appliquer les ordres, mais la sensation de surveillance par la hiérarchie est bien présente, on est bien loin de « l’école de la confiance » et la bienveillance, si elle existe, reste de surface.
Ainsi, un directeur, ayant 40 ans de carrière, se confie, « Il m’arrive d’arriver la boule au ventre à l’école ». « Qu’est-ce que j’ai encore oublié ? ». Est-ce bien normal d’en arriver là ? Celui-ci n’attend que la retraite tandis qu’un autre songe littéralement à changer de métier…
De plus, les IEN ne semblent pas vouloir entendre /comprendre l’ensemble de leurs doléances pourtant bien justifiées. Les directeurs sont conscients du fait qu’il y a lieu de mesurer son vocabulaire lorsque l’on s’adresse aux IEN : il s’agit surtout de ne pas faire part de dysfonctionnements…L’Education nationale reste la grande muette et seules les apparences sont soignées.
D’une manière générale on constate que les directeurs manquent de soutien et de reconnaissance du travail acharné qu’ils exécutent. La nouvelle prime octroyée par le Ministre de l’Education nationale, d’un montant de 225 euros bruts annuels, qui confère au mépris de ces personnels en est un brillant exemple.
Le SNALC demande l’allègement et la simplification du travail des directeurs ainsi qu’une véritable reconnaissance de leur fonction, car pour le moment, depuis le décès en 2019 de Mme Christine Renon, directrice dénonçant ses conditions de travail, aucune réelle mesure n’a été prise…