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Expériences sous forme de dictionnaire de l’Education Nationale

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Un enseignant contractuel ayant servi dans une vingtaine d’établissements a entrepris de rédiger ses souvenirs et les ressentis de ses expériences sous forme de dictionnaire de l’Education Nationale. Il a eu la gentillesse de nous faire parvenir quelques unes de ses définitions, certes subjectives, mais qui ne manquent pas de piquant. Le SNALC a le plaisir de vous livrer quelques extraits.

 

Autorité : pouvoir magique dont seuls quelques élus frappés par la grâce en sont les dépositaires. L’on parle de Mystère de la foi de même que l’on pourrait parler de Mystère de l’autorité. C’est un pouvoir et non un savoir ou une compétence ; il permet de discipliner les esprits les plus récalcitrants, et même de faire cours en REP sans le moindre mal, selon certains ésotéristes de l’Education Nationale. La légende dit en effet que seuls ces élus peuvent faire toute leur carrière dans ces zones urbaines de caractère, peuplées de jeunes avides de savoir, mais au demeurant très demandeurs de cadres.

Attention : l’autorité se respire, se transpire, se ressent ; elle transparaît et transfigure l’élu qui devient être de lumière. Elle ne s’exerce pas ! Quand c’est le bordel en classe, cela veut dire que le prof n’a pas d’autorité. Lorsqu’il pense l’exercer en sanctionnant les fauteurs de trouble, le prof n’a pas d’autorité. CQFD.

Un prof qui a de l’autorité peut se passer de règlement intérieur, de CPE, de photocopieur, d’ordinateur, de vidéoprojecteur, il n’attrape jamais la grippe, il n’est jamais en grève ni en formation… Il a de l’autorité !

Il est capable de miracles similaires à ceux du Christ ! Prenons pour preuve ces quelques exemples :

Guérison de l’homme à la main paralysée : l’élève ne remplit pas les fiches, ne copie jamais le cours, et utilise ses cahiers pour déchirer les pages qui lui serviront à faire des boulettes de papier. Lorsque celles-ci seront suffisamment mâchées, il les jettera au plafond, ou y mêlera de la colle pour les déposer dans les cheveux de ses voisines. Lorsqu’il a assez d’énergie créatrice, il confectionne des balles pour les jeter à la tête du prof qui écrit au tableau. Même pris en flagrant délit, il s’exclamera : « Wallah, sur la tête de ma mère, j’ai rien fait ». A l’heure d’écrire le cours, il dira : « Wesh, je peux pas écrire, j’ai trop mal à la main ». Le prof qui a de l’autorité le fait écrire et valorise même son énergie débordante pour en faire un élève moteur de la classe.

Résurrection de Lazare : il y a dans certaines classes comme des poids morts, des boulets, en d’autres termes, des espèces de grands couillons à l’expression de poissons morts, tout aussi inertes. Toute remontrance a le même résultat qu’une pierre jetée sur une mer d’huile, une nuit où tout dort : un grand plouf, puis, plus rien. Silence de mort… Le néant ! Le prof à l’autorité bienveillante réussit à lui faire sortir quelques propos, davantage développés que ses grognements habituels. La légende nous dit qu’il a même réussi à le faire participer au cours de manière cohérente et appropriée.

Guérison d’un paralytique : le prof qui a de l’autorité amène tous les élèves à se bouger, même chez eux ! Des bruits de couloir m’ont même parlé de devoirs faits et rendus en temps et en heure, ainsi que quelques miraculés de 3ème qui ont arrêté de poster leur gueule boutonneuse sur les réseaux sociaux quelques instants, le temps de se trouver un stage.

Guérison d’un possédé à Capharnaüm : compte rendu d’inspection confidentiel, dérobé dans une armoire du rectorat, lors d’une visite nocturne.

Les élèves se rendirent en salle A216 et le professeur y entra et enseigna. Les apprenants étaient tous frappés par sa pédagogie, tant il enseignait comme ayant autorité et non comme un stagiaire de l’INSPE.

Il se trouva dans leur salle A216 un apprenant, pourtant supposé faire preuve d’empathie et de bienveillance, mais à l’esprit impur qui dit : « Wesh ! Le cours c’est trop de la merde ! Me prenez pas la tête avec vos conneries ! On s’en bat les couilles, ma parole ! »

Le professeur menaça et dit : « Silence, pioustre ! Abandonne cet esprit de défiance et cesse de tourmenter cette école républicaine ! Ouvre-toi aux attendus du socle et vois l’à-propos de ma progression pédagogique ! »

Et l’esprit de défiance sortit de ce corps, en l’agitant avec violence et en poussant des grands cris.

Je suis encore maintenant saisi de stupéfaction, et toujours incapable d’expliquer rationnellement cette posture pédagogique. Ce prof commande même aux esprits impurs, rendons-lui grâce !

Et sa renommée se répandit aussitôt dans tous les lieux qui environnaient la salle A216.

Rendons-lui grâce, cela est juste et bon !

Jésus marche sur l’eau : en plus d’avoir de l’autorité, cet élu parmi les profs est un fin connaisseur de toutes les circulaires, réformes, orientations ministérielles, et innovations pédagogiques du moment. Il vous monte une séquence avec peau de zob, maîtrise l’évaluation par compétences, les îlots bonifiés et la pédagogie positive. Les rédacteurs des cahiers pédagogiques l’admirent, lui dressent des autels et baisent ses pas.

La multiplication des pains : son autorité bienveillante lui est directement remise des mains de Dieu, tel le décalogue. Il ne multipliera pas les pains, mais plutôt les points lors de ses évaluations bienveillantes : contrôles inratables où même le plus simple d’esprit peut avoir au minimum 12/20.

Vous l’avez compris, ce prof est une chimère, un imposteur ou un démagogue. Je terminerai cependant ma définition par l’une des nombreuses conneries que peut dire l’inspection.

Un prof qui n’avait jamais su gérer un groupe de gamins a réussi à devenir inspecteur. Alors que les élèves sautaient sur les tables et lui jetaient toute sorte d’objets pendant ses cours (dixit une collègue de la même matière qui avait bossé en équipe avec lui), ce monsieur est désormais chargé de former et d’évaluer les enseignants. Bienvenue en Absurdistan…

Un jour, une stagiaire encadrée par ladite collègue est allée rencontrer cette sommité du raffinement pédagogique pour lui demander quelques conseils pour l’exercice de son autorité. Elle eut pour tout fruit de sa peine cette terrible sentence : « Mademoiselle, c’est très simple : l’autorité, soit on l’a, soit on ne l’a pas ! »

 Il savait de quoi il parlait, le bougre ! Espérons que cette collègue en eût davantage que ce formateur !

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