Le congrès académique du SNALC Strasbourg, portant sur le processus de judiciarisation, véritable phénomène de société, s’est tenu ce mardi 16 avril 2024, dans un cadre chaleureux et agréable : le CIARUS de Strasbourg. Ce dernier a fait salle comble (une centaine de participants) et la journée s’est déroulée dans une intense concentration pour ne rien manquer des débats et des échanges marquants entre public et intervenants. Nous avons eu droit à un congrès au contenu riche et dense, sous l’impulsion de nos quatre intervenants, invités d’honneur : Jean-Rémi GIRARD, Président national du SNALC, les avocats : Maîtres Stéphane COLMANT et Maxime DELACARTE pour les questions d’ordre juridique, ainsi que Frédéric ELEUCHE, référent national pour les questions retraite. Nous les remercions pour leur investissement et leur disponibilité.
Le Président académique du SNALC : Jean-Pierre GAVRILOVIC, dès l’ouverture du congrès, a donné le ton en évoquant une institution malade, dont les membres subissent des mauvais traitements, infligés de toutes parts, en particulier les rumeurs, qui gangrènent véritablement le système de l’intérieur et dont les collègues peinent à se défaire. A cette occasion, le Président académique a rappelé la difficile organisation du premier congrès sur le thème du harcèlement en 2015 qui avait réuni 150 personnes, le SNALC étant précurseur en la matière. Les avocats ont donc présenté les outils à disposition des enseignants pour se défendre au quotidien, dans l’exercice de leurs fonctions.
A cette occasion, notre Président national depuis 2018: Jean-Rémi GIRARD, professeur agrégé de Lettres, s’est exprimé sur des sujets d’actualité: le nouveau cursus des enseignants du premier degré, la formation continue, etc… Il a précisé d’emblée que personne n’est à l’abri d’accusations ou de diffamations mensongères, quel que soit le motif invoqué ; par ailleurs, l’enseignant est soumis à une culpabilisation et une infantilisation permanentes. Les droits et devoirs du fonctionnaire ne sont pas toujours pris en compte, en raison de la méconnaissance du fonctionnement de l’institution. Notre Président national a rappelé la nécessité de l’exemplarité à tous points de vue, pour ne pas prêter le flanc aux critiques éventuelles. Maître DELACARTE, quant à lui, a fait référence aux gestes inappropriés envers les élèves et a appelé à la prudence extrême dans ce domaine: éviter la main dans le dos, par exemple. L’école inclusive est également source de judiciarisation, 97% des personnels affirment que ce dispositif imposé est inefficace. Est rappelé à cette occasion les missions de conseil et d’évaluation des corps d’inspection du second degré. Leur pouvoir réel est extrêmement limité. Le supérieur hiérarchique reste le chef d’établissement. Les conseils de discipline avec présence d’avocats sont de plus en plus nombreux, y compris pour les rencontres parents/professeurs, avec volonté d’en découdre… Maître COLMANT a évoqué le principe des vases communicants pour expliquer ce phénomène: au sein de la société contemporaine, l’intérêt pour la chose politique recule, on sollicite donc davantage la voie juridique pour régler les conflits, en invoquant le secours de la loi. Les tribunaux judiciaires sont engorgés et les juges doivent gérer un grand flux ininterrompu de dossiers… La médiation préalable est obligatoire, mais ne fonctionne pas.
Puis ont été évoquées l’utilité des Fiches RSST (registre de santé et de sécurité au travail), les différences entre main courante et plainte, la protection fonctionnelle. Concernant cette dernière, il a été rappelé que la demande doit être dûment motivée, en effet, certains recours ne sont pas examinés, en raison de demandes pléthoriques : deux mois sans réponse de la part de l’administration vaut décision implicite de rejet, cette dernière a tout de même le mérite de proroger d’un mois le délai de recours contentieux. La protection fonctionnelle offre l’avantage d’une couverture pour vous-même et vos proches, y compris pour des faits qui se sont déroulés en dehors de l’établissement, ou incriminant un ancien élève. Depuis 2019, il est possible de procéder à un recours hiérarchique. Rappel historique de Maître COLMANT : le Tribunal Administratif a été créé en 1860 sous Napoléon III. Le Conseil d’Etat en 1873 a permis la possibilité d’attaquer son administration. Le juge administratif est issu du corps de l’ENA. 75% des magistrats sont issus des concours complémentaires, par la voie externe ou interne. Il est possible de signaler les infractions par le biais de la fiche RSST, mais celle-ci peut être lue par tout le monde, consulter la fiche info.
La réception des plaintes du public est obligatoire. En cas de refus de la part d’un OPJ (officier de police judiciaire) ou d’un gendarme, prendre note du matricule de ce dernier et revenir accompagné d’un avocat. Deux possibilités : la main courante, en l’absence de preuves tangibles ou de faits clairement établis, la plainte simple, soit en commissariat ou en gendarmerie, soit par courrier recommandé adressé au Procureur de la République. Tous les enregistrements sont recevables, le droit à la preuve est très important. Sachez que si un élève enregistre vos propos ou photographie un PowerPoint pour le vendre par exemple, il ne pourra pas les diffuser sur les réseaux sociaux. La diffusion est interdite. Les cours ne sont pas votre propriété, mais constituent le patrimoine immatériel de l’Etat, l’élève s’en prend donc au patrimoine, en agissant de la sorte.
Rappel intéressant sur la conduite à tenir lors des conseils de classe qui ont tendance à devenir un microcosme des tribunaux grandeur nature: quand on est témoin d’un collègue mis en difficulté par les remontées des parents ou des élèves, le cas échéant ; ne pas hésiter à intervenir pour recadrer les récalcitrants, en rappelant que ce n’est ni le lieu, ni le moment pour rendre des comptes et proposer un rdv avec la personne concernée. Le conseil de classe doit évoquer les cas des élèves et non pas tenir lieu de commission disciplinaire pour enseignants, constat d’une dérive attestée… A ce propos, le CPE n’est pas votre supérieur hiérarchique, s’il préside le conseil, c’est qu’il dispose d’une délégation pour présider, mentionnée sur sa fiche de poste, signée par le chef d’établissement.
Frédéric ELEUCHE a ensuite pris la parole pour répondre aux questions retraite des adhérents et sympathisants. La principe de la retraite progressive a été exposé. Les 3 critères exigibles pour en bénéficier: exercer à temps partiel avec une quotité comprise entre 50 et 90%, disposer de 150 trimestres, et être à moins de 2 ans du départ à la retraite. Il est possible de surcotiser pour que l’année compte à 100%. Une activité à 80% est plus avantageuse, en cas de surcotisation. Au bout d’un an, il est possible de modifier la quotité ou de renoncer à la retraite progressive, mais il est impossible de revenir en arrière et de la redemander. Les allocataires IUFM en 1991 peuvent bénéficier de la prise en compte de cette année pour la retraite, à condition de présenter un justificatif. En effet, la loi de 1991 est soumise à l’application d’un décret qui est intervenu 39 ans plus tard, le 28/12/2023 !
La journée a été entrecoupée d’un déjeuner, gracieusement offert par le SNALC à tous les adhérents présents, ce dernier a grandement contribué à l’ambiance détendue et conviviale qui a animé le congrès.
En conclusion, une journée riche en rencontres et en échanges !
Pour compléter les informations recueillies lors du congrès, veuillez trouver ci-dessous des conseils et des liens vers les thématiques judiciaires :
Prenez appui sur les fiches Info SNALC qui sont à la fois un outil pratique et synthétique, prêt à l’emploi, face aux difficultés du quotidien. Vous trouverez les liens vers les plus intéressantes : notamment celle concernant le RSST, l’heure d’information syndicale et des articles synthétiques concernant la protection fonctionnelle.
Les outils à votre disposition, pour faire face aux situations de harcèlement :
- Le RSST. A quoi sert-il ? Comment le remplir ? Fiche info et article 1, article 2.
- La protection fonctionnelle : définition, qui est concerné ? Comment la demander (démarches) ? En quoi est-ce une protection renforcée ? Dossier 1 et dossier 2.
- Le référé liberté : l’arrêt d’urgence au harcèlement. En quoi consiste-t-il ? Qui peut le demander et dans quels cas ?
- D’autres voies de recours ou de conciliation sont possibles au préalable : la convocation de l’unité mobile du Rectorat qui peut procéder à un état des lieux, lors de phénomènes de harcèlement, à caractère répétitif, de la part de certains élèves et de leurs parents. Une équipe se déplace, intervient dans la classe concernée, souvent accompagnée de la gendarmerie, puis entend toutes les parties et à la suite de ces entretiens, il arrive que l’élève en question soit exclu temporairement, puis définitivement, à l’issue d’une concertation entre le chef d’établissement et le rectorat, qui peut se faire en visio, solution à envisager. D’autre part, certains établissements convoquent la brigade de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) pour intervenir dans les classes concernées et procéder à un rappel de la loi. Les parents d’élèves concernés par les violences commises sur un de leurs enfants peuvent également écrire au Rectorat en s’associant aux personnels de l’établissement, pour demander que les institutions assurent la sécurité au sein de l’établissement et dans les transports scolaires. L’avantage de ce type de mesure est de permettre le renvoi définitif d’un élève qui harcèle ses pairs ou les professeurs, souvent l’un ne va pas sans l’autre. A la suite des évènements récents de suicides d’élèves, l’équipe d’intervention du rectorat est plutôt réactive, actualité oblige !
- Les enseignants et l’ensemble du personnel doivent faire bloc pour pousser la hiérarchie à prendre des décisions. Ne restez pas isolé, rapprochez-vous d’un délégué syndical et allez voir le chef d’établissement en délégation. Il en va de même, lorsque vous recevez une famille, dont l’enfant pose un problème. L’argument consistant à accuser tel ou tel professeur ou à remettre ses pratiques pédagogiques en cause, en appliquant la devise « diviser pour mieux régner » ne tiendra pas, si tout le monde est unanime. Veillez à ce que les fiches d’incident ou les observations donnent lieu à une sanction effective, pour ne pas les multiplier sans effet.
- En adhérant au SNALC, la protection juridique GMF prend en charge tout adhérent victime de tels agissements dans l’exercice de ses fonctions.
- Ci-dessous, vous trouverez la définition du harcèlement, ainsi qu’une radiographie de la protection fonctionnelle, que vous trouverez dans l’excellent dossier de Laurent BONNIN : « La jurisprudence, une source de droit essentielle » : c’est un véritable article de fond sur le sujet qui se présente sous la forme d’un dossier.
- Le droit de retrait : « Des règles strictes, une jurisprudence constante » comment bien l’appliquer ? Voir dans l’article précité.
- Le rôle de la médecine de prévention : aménagement du poste, préconisations, etc… Voir l’article consacré à ce sujet, dans le dossier rédigé par Laurent BONNIN.
- Des outils de prévention et de remédiation à la souffrance au travail dispensés par des spécialistes diplômés, issus du monde de l’éducation.
- Des conseils en matière d’évolution professionnelle afin d’aborder au mieux son évolution de carrière et/ou sa mobilité professionnelle.