Classiquement, la clinique de l’Institution et des groupes institués repose sur une logique qui possède ses caractéristiques. Le fait d’appartenir à la même Institution implique de participer aux mêmes mécanismes de défense, aux mêmes alliances inconscientes (Kaes, 1992, pp. 117-132).
Une part d’ombre peut s’y développer où se loge un renforcement des pactes dénégatifs institutionnels malmenés et menacés de dévoilement (Henri-Menasse, 2002).
Dans ces groupes d’analyse des pratiques professionnelles (A.P.P.), où les participants sont confrontés à l’expression de troubles de la vie psychique irruptifs (crises d’enfant criant tapant griffant mordant …) parler de son vécu, de son éprouvé, de ses réactions, les lier, les intégrer à une pratique, les partager avec ses collègues (enseignants, AESH), est loin d’aller de soi. Or, la narration est un processus fondamental dans l’élaboration groupale (Hochmann, 1996).
Nous sommes alors bien souvent dans les registres de l’insensé qui mettent à mal les processus de pensée. D’où une position particulière du psychologue E.N. dans ce type de groupe (travaillant au sein de cette même Institution). Il doit pouvoir accepter le désarroi que rencontre les personnels enseignant et AESH dans leurs contacts avec les enfants souffrant de troubles neuro-développementaux (T.N.D. – T.D.A.-H. + T.O.P., T.C.C., T.S.A.) désarroi peu propice à une verbalisation aisée. Il doit surtout mettre lui-même en récit ce qu’il entend et ce qu’il éprouve, reconnaître son propre désarroi (Di Rocco, 2015, pp. 17-20).
Il est possible dans ces groupes de suivre pas à pas l’émergence de vécus massifs d’impuissance, de haine ou de désespérance.
Cela exprime une insécurité dans l’identité professionnelle. Il s’agit d’un défaut qu’il faut à la fois réparer et cacher …
Ce défaut trouve sa source dans le sentiment d’un manque d’ajustement, d’un écart trop grand, entre les besoins des enfants à TND et les réponses de l’environnement scolaire (défaut fondamental fait de l’inadéquation entre les besoins de l’enfant et les réponses de son environnement primaire, théorisé par Balint (1968). Balint précise que tout écart de
compréhension entre l’enseignant ou l’AESH et l’enfant troublé exacerbe ce défaut fondamental et provoque des mouvements de rage (Di Rocco, 2015, pp. 17-20).
Le psychologue de l’équipe est un semblable ; son rôle est de réfléchir ce qui est en souffrance d’intégration dans le travail psychique de l’équipe en acceptant d’être un semblable … dans l’attente de l’accès à un Tiers (AESH quand il n’y en a pas, DAR …).
Le psychologue est donc pris dans un réseau serré d’alliances inconscientes dont l’effet de cette implication dans la vie institutionnelle est une mise en abyme de la pensée. Le cadre interne du psychologue est sollicité, aussi cette mise en abyme vient bloquer tout mouvement d’élaboration du jeu transfero-contre-transférentiel.
Ces groupes internes ou syncrétiques peu différenciés se doivent d’être éphémères … le temps de s’approprier une identité professionnelle d’enseignant généraliste (en retrouvant SA juste place et non de pseudo éducateur spécialisé !).
Cette exploration des formes de demandes peu différenciées, peu élaborées, mais pourtant tout aussi authentiques sont à entendre dans un processus qui se doit d’évoluer en direction de différenciations et de complexifications à l’adresse de Tiers : éducateurs spécialisés, DAR, ESMS … à l’instar du Modèle italien et de sa la Loi récente intitulée Buona Scuola (2015) sous le Gouvernement de Monsieur M. Renzi Président du Conseil – en précisant le rôle de l’enseignant de soutien, constitue, dans une certaine mesure, une évolution positive du Modèle italien.
La Philosophie qui a inspiré la Loi 517 de 1977 en Italie (le Droit à l’instruction et à l’intégration en Milieu ordinaire de Tous les enfants handicapés de l’école maternelle publique au Collège, est inscrit dans la Constitution italienne) envisage l’enseignant de soutien sous deux formes :
– comme une ressource supplémentaire pour toute la classe et non pas uniquement pour l’élève en situation de handicap. Cet enseignant est en effet attribué à la classe dans laquelle est scolarisé l’élève en situation de handicap (1985, 2002), classe dont il est « co-titulaire » ;
– comme une sorte de Directeur du Processus d’inclusion, reliant le succès du Processus à la participation de toute l’Equipe enseignante. Dans les faits, si la Mission a rencontré des enseignants de soutien très investis, activant des environnements spécifiques et collaborant avec leurs Collègues, elle a aussi pu constater des situations moins idéales. Dans le cas où la situation de l’élève le nécessite, d’autres professionnels sont prévus pour affronter les problèmes d’autonomie et de communication. Les collaborateurs scolaires sont de deux ordres :
– les assistants à la communication, particulièrement destinés aux élèves atteints de cécité ou de surdité, mais aussi parfois aux élèves autistes. Ils sont là : « pour éliminer les barrières architecturales ou sensori-perceptives » ;
– les assistants éducatifs ont pour Mission de favoriser l’autonomie dans le milieu scolaire, en plus de l’enseignant de soutien. Ils se voient confier la tâche désignée sous le nom d’« assistance de base » des élèves en situation de handicap. Il s’agira de développer les Dispositifs et transformer l’offre :
– accroître significativement l’externalisation des unités d’enseignement (U.E.) des établissements médico-sociaux de manière à ce que – au terme de 3 ans (2027) – 90 % des enfants en U.E. puissent bénéficier d’une modalité de scolarisation en milieu ordinaire avec appui des Services médico-sociaux aux établissements scolaires ;
– développer le partenariat entre écoles, E.S.M.S., Collèges et Lycées, dans la perspective de création de « réseaux de parcours » ;
– accroître le nombre d’U.L.I.S. spécialisées en Collège et Lycée.
Les propos du Psychiatre Basaglia : « la marche que nous avons commencée en Italie est une très longue marche qui ne passe pas par des raccourcis, mais par de longues étapes … » (Basaglia, 1978), anticipaient déjà l’incontournable et nécessaire durée du processus d’inclusion. Ce Modèle italien pourrait être inspirant
…
Cette dimension participative doit irriguer l’ensemble des mesures mises en place. Une école pour Tous est un Processus qui doit être ré-affirmé en permanence et qu’on ne saurait considérer comme terminé une fois pour toutes ; c’est un environnement de qualité qui doit être construit autour de l’enfant, au sein de la classe et de l’établissement, avec les familles et les Professionnels enseignants et médico-sociaux concernés.
Références bibliographiques
*Balint, M. (1968). Le défaut fondamental. Paris, France : Payot, 2003.
*Basaglia, Fr. (1978) : Loi Basaglia de 1978 – 2018 a marqué le 40ème anniversaire de la Loi italienne 180, considérée par beaucoup
comme la législation la plus radicale sur la Santé mentale jamais adoptée.
*Di Rocco, V. (2015). Les dispositifs d’élaboration clinique : une pratique institutionnelle, Canal Psy, n° 113/114, 17-20.
*Henri-Ménassé, C. (2002). Analyse de la pratique en Institution. Scène, jeux, enjeux. Toulouse, France : Erès.
*Hochmann, J. (1994). La consolation. Essai sur le soin psychique. Paris, France : Odile Jacob.
*Kaes, 1992, Pacte dénégatif et alliances inconscientes, Gruppo, n° 8, 117-132.