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Pourquoi faut-il payer les profs au SMIC ?

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Pourquoi faut-il payer les profs au SMIC ? (un article à ne pas mettre entre toutes les mains)

Amis du second degré et du premier degré, bonjour ! Même si mon article est à prendre au second… En ces temps de difficultés économiques, la question peut paraître déplacée, mais au vu de la réalité professionnelle des enseignants de 2025, elle est ô combien légitime ! Un enseignant certifié doit dix-huit heures de service devant les élèves ; que fait-il du reste de ce temps ? En réalité, pas grand-chose !

Les enseignants font partie d’une corporation de privilégiés qui travaillent à mi-temps, lorsqu’on les compare aux masses laborieuses, quand ils ne sont pas en vacances ou en grève !

En effet, de nos jours, et nous allons vous expliquer par quel miracle, il n’y a plus besoin de préparer des cours ou d’effectuer des recherches documentaires pour préparer des séquences : lors d’une visite, un inspecteur de son état m’a fait remarquer que je me fatiguais pour rien en m’employant à cela, car il me suffisait de suivre le manuel choisi par l’établissement et de télécharger le livre du professeur sur le site de l’éditeur. Ainsi, tous les corrigés des exercices et les attendus précis des séquences, cyclés et soclés, étaient à ma disposition, en plus !

Je fus alors touché par la grâce ! Que ne l’avais-je su plus tôt ! Il suffit aux enseignants de suivre pas à pas la progression pédagogique des concepteurs du manuel (quel qu’il soit), et de piloter cette séquence déjà problématisée qui nous est remise clé en main. Dans le pire des cas, si elle ne vous inspire pas, il est également possible de télécharger celles qui ont été conçues par votre inspecteur sur le site du rectorat.

La recherche pédagogique n’ayant plus vraiment lieu d’être, devenue l’obsession de quelques fanatiques fantaisistes qui aiment se compliquer la vie, je ne vois pas pourquoi l’on considérerait toujours un enseignant comme un cadre, et encore moins comme un ingénieur pédagogique. La rémunération de ce répétiteur, de ce simple exécutant, doit donc être reconsidérée à la baisse !

Je sais bien, vous me parlerez ici et là du temps que prennent les corrections de copies, mais je vous arrête tout de suite ! L’élève doit être un acteur investi dans sa scolarité. Pour ce faire, il nous suffit de télécharger des grilles d’auto-évaluation que l’élève remplira lui-même, ce qui lui permettra d’esquisser sa note. En persévérant dans l’innovation pédagogique, vous n’aurez plus qu’à organiser une séance d’évaluation par les pairs, afin de soumettre chaque copie au jugement objectif d’un autre élève. Au cas où vous douteriez de l’infaillibilité de ce procédé, il vous reste à utiliser quantité de logiciels gratuits, interactifs et rigolos, qui évalueront objectivement les connaissances et compétences de chaque apprenant. Il ne vous restera plus qu’à recueillir les résultats et les incorporer à vos moyennes. Nous serons donc d’accord qu’avec cela, le travail de l’enseignant en dehors des heures de cours est réduit à presque rien !

C’est à ce moment qu’arrivera une autre de vos protestations : « T’es gentil, Coco, mais les cours, ils ne vont pas se faire tout seuls, non plus ! »

La classe inversée, vous connaissez ? On demande aux jeunes de regarder chez eux une vidéo sympa avec une nana cool ou un mec BG, et le lendemain, on demande à des élèves (volontaires ou non) de restituer le contenu en classe. Et bim ! Jackpot ! On fait d’une pierre deux coups : évaluation des connaissances des élèves et en plus, on coche les cases des domaines du socle (prise de parole en public, implication en classe, capacité à utiliser ses notes, les synthétiser, etc.). Et pour ne pas se fatiguer à écrire, on peut même demander le concours d’un élève secrétaire qui sera chargé de rédiger une trace écrite officielle. La classe inversée, c’est comme le cours magistral, mais fait par des élèves, pour des élèves, et sans le prof. Wahou !

Grâce à ces innovations pédagogiques, le boulot de prof devient une vraie planque ! Ne nous mentons pas : nous sommes payés à regarder bosser les autres, et éventuellement à les critiquer. Un peu comme le corps non enseignant chargé de former et d’évaluer les enseignants, si on veut… Elle n’est pas belle, la vie ? On a juste à se promener entre les tables pour voir si on écrit bien le cours, alors franchement, être payé au SMIC pour faire les cent pas dans une salle de classe, dix-huit heures par semaine, on peut dire que ce sont des vacances !

Voyons d’autres avantages à cela ! On n’a plus à se décarcasser pour rendre cool des notions chiantes comme la concordance des temps avec utilisation du subjonctif dans les propositions subordonnées circonstancielles de temps, à prouver que AB²+BC²=AC², à parler du datif en allemand ou des verbes modaux en anglais. Vive la modernité !

Certains me diront, certes, qu’il faut des enseignants qualifiés, formés et documentés pour répondre à des questions précises, voire techniques, que peuvent poser des élèves à haut potentiel. Je ne réponds qu’une seule chose : socio-constructivisme ! À l’élève de construire son savoir, et possiblement de nous faire ensuite un bel exposé là-dessus, en projetant des PowerPoints multicolores (d’un bon goût relatif) ! Et s’il pose une question transversale à plusieurs matières, re-bim, et re-jackpot ! Possibilité de faire des EPI top méga fun, avec les collègues des matières concernées, et toujours avec les mêmes procédés pédagogiques ci-dessus mentionnés : profs payés à regarder des gamins bosser et construire leurs savoirs, confronter leurs opinions (respect de la parole de l’autre, construire une prise de position argumentée, bla bla bla…), mais surtout, quel bonheur de les voir devenir acteurs de leur scolarité, pendant qu’on est payé à ne rien faire !

Pour la gloriole personnelle, l’EPI vous donne encore une occasion inespérée d’exceller dans l’innovation pédagogique et ainsi de participer au rayonnement de votre établissement (sectorisé) ! Profitez-en pour appeler l’inspection, ils seront ravis de venir vous faire un petit coucou, et de constater votre enthousiasme à contribuer à ce que l’école tienne sa promesse pour tous les élèves (dixit le préambule du socle commun).

Toujours dans la stratégie de la délégation des tâches de l’enseignant aux apprenants (je demanderai bientôt aux CE2 de l’école d’en face de lacer mes godasses, ça leur fera bosser la motricité fine), nous avons encore une technique imparable pour ne plus se fatiguer : les îlots bonifiés ! Ça, c’est de la pure kiffance ! Distribuez un support pédagogique, n’importe lequel, sans poser aucune question. Les élèves, naturellement curieux et à l’enthousiasme débordant, trouveront d’eux-mêmes une problématique entre eux, y répondront entre eux, valoriseront le document d’eux-mêmes en mettant en commun leurs points de vue. C’est magique ! Ils se font cours à eux-mêmes ! Un élève secrétaire-scripteur pourra, encore une fois, transcrire les travaux de l’îlot qui pourront ensuite être complétés et corrigés par les pairs de l’îlot d’à côté. Si jamais ces petits chenapans se liguent pour ne pas saisir les attendus de la séance, vous pourrez toujours mettre un coup de démarreur en lisant les quelques lignes du préambule de celle-ci (voir le livre du professeur que vous aurez préalablement téléchargé).

Ainsi, notre métier devient enfantin. On n’a même plus besoin de connaissances particulières dans notre matière. Le pacte enseignant, à mon avis, ne va pas assez loin : en plus d’assurer des heures de cours sur les absences des collègues, l’on devrait nous inviter à superviser la séance du collègue absent ! On n’a juste qu’à farfouiller dans son casier pour trouver ses documents pédagogiques…

En somme, qu’est-ce qu’un professeur, à part un surveillant, lui-même payé au SMIC ?

En conséquence, la préparation d’un cours demande à peine une dizaine de minutes de lecture, il n’y a plus aucune recherche à faire (tout est dans le manuel ou sur le site des rectorats), les élèves enseignent, synthétisent, apprennent, produisent, s’évaluent et se corrigent d’eux-mêmes… Si le ou la prof est là, avouons-le, c’est uniquement pour la sécurité ! Voici pourquoi nous devrions être payés au SMIC pour dix-huit heures de présence devant élèves, ce qui est particulièrement honnête à mes yeux ! Si vous voulez retrouver un niveau de vie proche de celui des années 70 (2,1 SMIC), vous n’avez qu’à faire le double, soit trente-six heures ! Il n’y a vraiment pas de quoi en faire un fromage, on a tout de même une quinzaine de semaines de vacances par an, ce qui reste très au-dessus de toute profession.

Ah oui ! J’oubliais ! Pour la discipline (beurk, un gros mot !), soyez vous-même, et créez une dynamique de travail positive et inclusive, afin de valoriser le potentiel propre de chacun, ou un truc comme ça (voir les vidéos sur internet). Vous verrez, c’est tout bête, ça se met en place tout seul…

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