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L’art de la manipulation ou comment ternir une réputation

Giulio Fornasar
© Giulio Fornasar

Les situations professionnelles dégradées à cause de rumeurs explosent, le SNALC vous propose une analyse simplifiée d’un schéma manipulatoire. Ce schéma général a été reconstitué par l’équipe en charge des conditions de travail à partir de l’étude de situations réelles.

Dans tous les métiers de l’EN, les personnels sont particulièrement exposés et la réputation d’un personnel est donc un élément essentiel. Une bonne réputation garantit tous les succès, donne du crédit aux actions, elle attire les collaborateurs. Mais, compromise, elle isole, rend vulnérable, malléable, corvéable car il faudra ramer double pour que la personne incriminée prouve qu’elle n’est pas « celle qui paraît qu’elle serait, selon certaines sources bien informées … » D’ailleurs, tous ses faits et gestes, à partir du moment où la rumeur commence à être diffusée sont analysés et relus à l’aune de ce prétendu passé, même non confirmé, de ces intentions « déviantes » improprement attribuées … Le caractère diffamatoire est difficile à prouver car les ragots se propagent à l’insu du principal intéressé.

DES ACTEURS

Pour que la manipulation fonctionne, il faut un maître du jeu, des vecteurs de l’information, une cible :

  • Un maître du « jeu »: Un « expert » en manipulation, qui connaît bien les rouages du système et qui souhaite, parce qu’il y a un intérêt en termes de pouvoir, de pilotage, … éliminer un collaborateur qui lui fait de l’ombre. C’est parfois aussi simplement quelqu’un de mal dans sa peau, de malade : on a tous entendu parler des pervers narcissiques. Cette personne se camoufle, dissimule ses intentions, agit par personnes interposées ;
  • Des acteurs actifs et/ou passifs dans l’action: une salle des professeurs, un établissement. Ce sont des structures qui fonctionnent selon le modèle de la Cour avec des courtisans-serviteurs, véritables « Yes-girls » et « Yes-boys » à la solde de ces quelques (heureusement très rares) manipulateurs. Au quotidien, la « positive attitude » de ces collègues dont la « loyauté interroge » est motivée par un désir, pour ne pas dire un besoin inconditionnel, de plaire et d’être connus et reconnus. Ils manifestent une servilité importante, expression d’une relation de dépendance peut-être maladive, assurément décérébrée d’où le sentiment qu’ils renvoient d’être sous emprise ;
  • Un objectif dans le cas que vous présente le SNALC, dans cet article, il s’agit d’un être humain Mme X, M. Y, que l’on va chercher à déstabiliser, à affaiblir, à éliminer au travers de sa réputation, pour commencer.

UN SCENARIO

La destruction d’une réputation passe par des phases types, rien de très élégant ou de très élaboré, on reste dans une dimension bac-à-sable, simple et efficace. Imaginez une partie de pêche :

  • Phase test et recueil des informations

Une affirmation à caractère de vérité générale, par exemple : « Cela arrive à tout le monde d’avoir des casseroles et que ça se passe mal dans un établissement ». On introduit le sujet par une généralité qui permet de tester l’autre … On lance l’hameçon…

Très rapidement, on précise : « le problème, c’est Mme X, M. Y… », on regarde si ça mord …

  • Phase de victimisation qui sert de justification au harcèlement mis en œuvre

Il faut rendre crédible le problème ou jouer sur le terrain de l’affect, le manipulateur fait appel aux bons sentiments on se plaint de douleurs, de fatigue : « j’ai mal aux cervicales », « je n’en peux plus », « moi, je ne continue pas trois ans comme cela » ; on ferre son poisson (celui qui, à son insu presque, va faire le sale boulot) ;  

  • Développement de la relation interpersonnelle et destruction de la réputation de « l’ennemi » désigné

Entre le manipulateur et son courtisan-serviteur (le pécheur et le péché), existe une relation d’interdépendance type « gas-lighting » (enfumage)/ « butt licking » (léchage de c**/cirage de pompes). Le manipulateur est un bon psychologue, il a repéré des profils particuliers, bien en amont, personnes crédules, naïves, consciencieuses à l’extrême car à la recherche constante de la valorisation : des potentielles marionnettes.

Au départ, les affirmations du manipulateur sont floues, empruntées, invraisemblables, non étayées par des faits, ce sont parfois des énormités sur le plan du sens, qu’importe (exemple : « j’étais là sans être là, mais bon, », je peux quand même dire … !). Quand il y a un rapport hiérarchique, les conversations sont ponctuées de petites confidences personnelles (« j’avais acheté une paire de collants, il fallait le top ») qui, plus elles seront futiles et mieux ce sera, il s’agit de créer du lien, de la proximité, factice mais ô combien stratégique, … pour cautionner, autoriser cette collecte d’informations de la part du pantin-courtisan, promu au rang d’espion, d’œil de Moscou, d’agent 000. Ce dernier devient celui ou celle qui arpente la salle des professeurs, l’œil et l’oreille aux aguets, fait oralement un rapport détaillé des HMIS (Heures mensuelles d’Information Syndicale) et vote toujours comme il faut.

Très vite, ce serviteur cherche à se valoriser, cette phase passe par des aveux de vilénies dont le niveau augmente, crescendo… Il s’agit d’un processus de validation des exactions commises auprès de celui dont on sert la cause, un serment d’allégeance revu dans une version plus moderne, le pantin dans une forme de déshumanisation agit : « pour l’action de formation, j’ai mis deux dates différentes sur le coupon », « lors du CA, je me suis agacée », » j’ai fait un écart à gauche pour m’éloigner d’elle », … Le manipulateur sourit des obstacles, des contretemps, difficultés rencontrées par le collègue, il évoque son mépris au quotidien : « je ne lui ai même pas répondu… », il suggère des alliances sur des décisions (dates, actions, …) qui assurément vont compliquer la tâche du collègue ; c’est l’encouragement du régime des petites avanies. D’ailleurs, le manipulateur évoque un cautionnement d’une autorité supérieure qui « s’est positionnée » comme elle contre la cible.

Bref, semer des obstacles, rendre plus difficile la réalisation de l’action pilotée par X ou Y, c’est fragiliser celui ou celle que l’on souhaite ardemment voir tomber, être en échec, … disparaître ?

La reconnaissance du manipulateur envers ceux qui le servent est aussi entretenue par des petits mots, des petits cadeaux par exemple sous la forme d’un petit sachet de Bredele avec un Post-it portant les initiales du généreux donateur que sait être le manipulateur !

Tout ceci est très professionnel, n’est-ce pas ?

Justification de l’injustifiable

Parfois, prenant alors conscience des agissements répétés du manipulateur, le collègue ainsi visé, Mme X, M. Y, réagit, appelant à « plus de neutralité dans » les échanges, notamment avec des tiers placés sous l’autorité. Le « devoir de réserve » existe, quand même ! Le manipulateur saisit cette occasion pour illustrer, publiquement et de façon véhémente, le propos de Mme X, M. Y comme étant une n+1 ème agression (les n précédentes sont totalement fictives, mais puisque là, on peut montrer, pointer du doigt une remarque, pourquoi n’y en aurait-il pas eu d’autres avant ?). Le manipulateur se victimise, la victoire approche, ce terrain gagné permet de légitimer le fait de dénigrer publiquement Mme X et M. Y, de répondre en public de façon agressive, de justifier l’impossibilité désormais acquise de toute collaboration quand bien même cette collaboration n’était jusqu’à présent que dans un sens, à l’avantage du manipulateur. Un bon manipulateur sait toujours habilement nier les évidences et renverser à son avantage toute situation, tout en tirant les ficelles, tapi dans l’ombre, à la manœuvre.

Dans cette phase, c’est l’affirmation ouverte et assumée de ce qui prévalait depuis le début : tous les coups sont permis, plus de loyauté, de devoir de réserve, dans le camp du manipulateur qui, dans une pirouette acrobatique, est parvenu à se propulser au rang de « pauvre victime », percluse de douleurs !

Personne ne se préoccupe de l’humanité de celui désigné comme cible et de l’impact de ces conditions de travail dégradées sur la santé de ce dernier puisque, de toute façon, on veut l’abattre : alors, pas de pitié. Le manipulateur, sans jamais se salir les mains, vient de lâcher sa meute… :  VOX POPULI, VOX DEI. Le silence de la cible qui, dans un monde normal, serait l’expression de son professionnalisme, est désigné comme preuve suprême de culpabilité.

CONCLUSION

Ces morceaux choisis sont extraits de situations professionnelles traitées par le SNALC, relations toxiques qui peuplent nos établissements, mettent en difficulté le pilotage de l’EPLE et dégradent les conditions de travail de tous les personnels des établissements concernés.

Pour être intervenu auprès de chefs d’établissement et des services académiques, le SNALC s’inquiète de l’incapacité de la hiérarchie à cadrer voire à normer des relations professionnelles. Les règles définies en termes de communication, de posture professionnelle doivent valoir pour toutes les parties.  Manquer à son devoir de réserve, porter sur son lieu de travail, un jugement dégradant voire insultant à l’égard d’un personnel, collègue, supérieur hiérarchique, faire de l’entrave à la mise en place d’actions sont des fautes professionnelles graves, lourdes de conséquence et qui vont à l’encontre de l’intérêt du service et du sens de notre mission de service public.

Certains personnels peuvent être en souffrance, ne pas apprécier un de leur collègue, le jalouser ou, être très stratèges et désirer accélérer leur mobilité, c’est humain, pas noble, mais humain. Générer des problèmes, nuire à la réputation d’autrui sont des façons de faire que le SNALC ne soutiendra pas.

En revanche, le respect du travail, de la personne au travail est primordial et c’est la raison pour laquelle le SNALC interviendra et n’hésitera pas à s’engager sur le plan juridique, avec l’accompagnement d’un avocat sur les situations de travail dégradées.

Le SNALC rappelle ses 10 recommandations pour être plus fort au travail  et soutient ses adhérents, et sera à leurs côtés pour faire en sorte que cette citation de FRIEDRICH NIETZSCHE soit démentie et qu’il ne soit plus permis impunément de nuire à autrui :

« Il est plus facile de s’arranger avec sa mauvaise conscience qu’avec sa mauvaise réputation. »

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