La dĂ©gradation des conditions de travail et la recrudescence des situations de harcèlement m’ont conduit Ă m’interroger sur la valeur juridique d’un enregistrement rĂ©alisĂ© par un enseignant ou un agent administratif Ă l’insu de son chef dans le cadre d’un entretien.
Face à la difficulté de prouver l’attitude d’un chef d’établissement et d’obtenir des témoignages écrits pour la corroborer, certains agents sont tentés d’enregistrer leur chef d’établissement ou de service à son insu afin de démontrer la véracité des agissements litigieux. On peut dès lors s’interroger sur la recevabilité de cet enregistrement. En outre, un enregistrement sonore réalisé à l’insu du chef d’établissement est sans conteste une preuve déloyale, qui est aussi susceptible de porter atteinte à la vie privée en fonction des propos tenus par le chef d’établissement au cours de l’enregistrement.
Néanmoins, en matière de loyauté de la preuve, l’observation de la jurisprudence démontre qu’il existe une nette distinction entre les juridictions pénales et civiles.
Les juridictions pĂ©nales ne posent en principe aucune difficultĂ© Ă accepter tout mode de preuve Ă©manant d’un particulier, en vertu de l’article 427 du Code de procĂ©dure pĂ©nale, mĂªme si celle-ci a Ă©tĂ© apportĂ©e de manière dĂ©loyale. La seule exigence posĂ©e par les textes ainsi que par la jurisprudence est que ces enregistrements doivent Ăªtre en mesure dâ€™Ăªtre dĂ©battus contradictoirement entre les parties.
S’agissant des services de l’Éducation nationale, cette preuve est admise, comme notre syndicat a pu lui-mĂªme le constater dans le cadre d’une affaire disciplinaire au rectorat de Nice. En effet, les services du rectorat ont admis un enregistrement rĂ©alisĂ© lors d’un cours par des Ă©lèves Ă l’insu de leur professeur. Le Rectorat a mĂªme rĂ©alisĂ©, pour les besoins de la procĂ©dure, une transcription afin que celle-ci puisse Ăªtre dĂ©battue.
Par conséquent, sous réserve de l’appréciation des juges du fond, si ce mode de preuve est admis à l’encontre des professeurs, il n’y a pas de raison que ce mode de preuve ne soit pas admis à l’encontre des chefs d’établissement.
Article publié dans la Quinzaine universitaire n°1451 du 19 mars 2021